Nef, abbaye Saint-Michel d’Hildesheim, Hildesheim, 1010-1033.

 

 

I. Le Système architectural roman

 

 

Le style roman a été le premier à s’être développé de façon indépendante, harmonieuse et homogène et à se répandre dans toute l’Europe chrétienne. L’art roman a été dominé par l’architecture qui a influencé tous les autres genres artistiques comme la peinture et la sculpture aux motifs souvent expressifs. Le roman est principalement un répertoire de formes qui se décline en diverses caractéristiques. Cependant, la plupart des édifices romans présentent des traits communs qui permettent de définir le système architectural roman.

On distingue trois phases dans l’architecture romane : le premier âge roman, le roman florissant et le roman tardif ; le préroman et le premier âge roman portant parfois le nom des dynasties régnantes de l’époque : mérovingien (jusqu’en 750), carolingien (750-920) sous le règne de Charlemagne et ottonien (920-1024). L’époque romane commence à différentes dates selon les pays d’Europe : ainsi en Angleterre, l’époque anglo-saxonne s’achève en 1066 avec la bataille de Hastings ; en Allemagne, le roman commence avec la fin des Otton (1024), alors qu’en France apparaissent les premiers édifices voûtés (Saint-Michel-de-Cuxa dans les Pyrénées et Saint-Philibert à Tournus) à la fin du premier millénaire.

Dans un premier temps, nous considérerons ici uniquement les édifices religieux, tout simplement parce que, partout en Europe, le roman a fait ses débuts dans les jeunes communautés monastiques, comme, d’ailleurs, la vie culturelle et intellectuelle en général. Ce qui explique que le roman soit majoritairement un art sacré. Plus l’Église s’est enrichie, plus les édifices sont devenus somptueux. Les édifices religieux reposent sur un plan basilical en forme de croix dont la longueur constitue la nef et les bras plus courts forment le transept. La nef est percée de claires-voies au-dessus des toits des bas-côtés.

L’aile à l’ouest symbolisait le pouvoir séculier, c’est pourquoi l’empereur y avait sa place pendant la messe. Le massif est représentait le pouvoir spirituel. De ces constructions profanes – châteaux, forteresses, palais princiers et maisons citadines – n’a subsisté qu’un petit nombre datant de la fin de l’époque romane. L’architecture romane se caractérise par des murs épais et défensifs (surtout à l’ouest), des fenêtres et des portes, surmontés d’arcs en plein cintre, des meurtrières et, plus tardivement, par des chapiteaux cubiques sur des colonnes souvent élancées. Mais l’invention majeure de l’architecture romane est indubitablement la voûte.

Le premier âge roman (de 1024 à 1080 environ) se reconnaît à ses plafonds à caissons plats en bois et donc exposés aux incendies. Les murs en pierre de taille lisses sont nus et ressemblent plutôt à ceux de forteresses qu’à ceux d’édifices religieux. Les premières tours, souvent multiples, sont intégrées à la construction. À l’apogée du roman (vers 1080 à 1190) apparaissent les voûtes d’arête ainsi que, fréquemment, des ornements muraux et des sculptures en ronde-bosse. Après lui, le roman tardif, qui s’achèvera vers 1235, privilégie la diversité des édifices et intérieurs richement décorés. On observe déjà, à cette époque, des éléments gothiques, tels que l’arc en ogive ou la voûte sur croisée d’ogives, mais les murs massifs et les meurtrières sont conservés. C’est à ce moment qu’apparaissent de splendides façades à tours jumelles et des tours richement décorées au-dessus de la croisée. L’église médiévale romane ne s’est pas développée à partir des constructions centrales carolingiennes, mais à partir des abbatiales qui, par l’activité culturelle et évangélisatrice des moines, sont rapidement devenues des lieux de prière pour le peuple.

C’est aussi sur le plan basilical, mais considérablement élargi et enrichi de nouvelles formes, que s’appuie le nouveau système. On conserve ses anciens éléments : le chœur, la nef et le transept. Toutefois, le chœur est régulièrement agrandi par l’insertion, entre lui et le transept, d’un espace dont la taille correspond généralement au carré obtenu par l’intersection de la nef et du transept, c’est-à-dire la croisée. Voilà comment est apparu, par exemple, le plan en croix latine du monastère de Saint-Gall qui a supplanté le plan en T et perdurera durant tout le Moyen Âge. Le chœur, qu’il est devenu nécessaire d’agrandir en raison de l’accroissement incoercible du clergé qui y trouve sa place de prédilection, est séparé du transept par plusieurs marches. Mais cette surélévation du chœur peut aussi s’expliquer par le fait que les basiliques romanes aient repris l’aménagement de crypte des basiliques carolingiennes, ce que l’on observe dans quasiment toutes les églises du premier âge roman.

À l’origine, les cryptes servaient à recevoir les ossements de martyrs au-dessus desquels était édifié un sarcophage en pierre. Par la suite, elles accueillirent aussi les sépultures de membre de la noblesse ou d’autres hauts personnages, en particulier les donateurs et bienfaiteurs des églises. Ainsi, le roi Henri Ier de Saxe et son épouse Mathilde ont été enterrés dans la crypte de la collégiale de Quedlinburg, dans l’actuel land de Saxe-Anhalt, qu’ils ont fondée. Cette crypte et celle de l’église Saint-Wipert de Quedlinburg, également fondée par Henri Ier mais qui, elle, a conservé son apparence originale, sont les deux plus anciennes cryptes d’Allemagne. Cette jolie petite ville est à l’époque, et le restera pendant plus de 200 ans, la capitale de l’Allemagne ; elle appartient aujourd’hui au patrimoine mondial l’humanité de l’Unesco.

À peine plus récente que ces dernières, citons aussi la crypte de la collégiale de Gernrode dans le Harz qui, construite à partir de 961, a gardé dans l’ensemble son caractère initial. Cet édifice permet d’estimer, par son effet d’espace intérieur comme par sa monumentalité extérieure, la hauteur atteinte au xe siècle par l’architecture romane sur le territoire allemand.

Façade sud-est, abbaye Saint-Michel d’Hildesheim, Hildesheim, 1010-1033.

Vue sur l’ouvrage occidental, avec atrium et narthex, abbaye Saint-Michel d’Hildesheim, Hildesheim, 1010-1033.

1. Porche/atrium ; 2. Narthex ; 3. Façade occidentale ; 4. Tour de la croisée occidentale ; 5. Tourelles occidentales ; 6. Nef centrale ; 7. Collatéraux ; 8. Tour de la croisée orientale ; 9. Transept oriental ; 10. Tourelles du transept oriental

Plan horizontal, abbaye Saint-Michel d’Hildesheim, Hildesheim, 1010-1033.

1. Porche/atrium ; 2. Narthex ; 3. Façade occidentale ; 4. Tour de la croisée occidentale ; 5. Tourelles occidentales ; 6. Nef centrale ; 7. Collatéraux ; 8. Tour de la croisée orientale ; 9. Transept oriental ; 10. Tourelles du transept oriental ; 11. Absidioles ; 12. Chœur ; 13. Abside

 

 

Dans les débuts du style roman, l’intérieur des églises est plus nu que l’extérieur. L’extérieur de la collégiale de Gernrode, qui est alors le plus imposant édifice de Saxe, est rythmé par les pilastres qui supportent les arcs en plein cintre (« lésènes »). Cette arcade avec son décor peint, ou ses diverses incrustations de pierres, a un rôle non seulement décoratif, mais aussi technique en assurant la stabilité de la construction. La haute façade ouest, précédée d’une abside du xiie siècle restée intacte, est encadrée de deux tours rondes au toit conique. À l’origine, ces tours avaient pour seule fonction pratique d’accueillir les cloches et l’escalier menant au clocher, mais elles acquirent vite une importance artistique dans l’architecture ecclésiastique. L’architecte de l’église de Gernrode se montra déjà visiblement soucieux non seulement d’intégrer les tours au corps du bâtiment pour en faire une unité, mais aussi de leur donner un décor particulier en animant les masses murales. Les tours sont divisées en étages qui diffèrent entre eux par leur structure. La symétrie n’a pas été spécialement recherchée, puisque le deuxième étage de l’une des tours possède des arcades ogivales, alors que celui de l’autre tour, a des arcades en plein cintre. Contrairement aux baies cintrées, percées de l’étage supérieur de la tour pour laisser retentir le son des cloches au loin, ces arcs fermés sont nommés « arcades aveugles ».

Les deux tours flanquant la façade ouest constituent aussi un élément majeur des églises du style roman florissant. Au gothique, elles deviendront des chefs-d’œuvre de toute l’architecture religieuse au détriment des autres parties. Dès l’époque romane, les tours ouest ne restent pas seules. Tôt déjà, des réflexions esthétiques amènent les bâtisseurs à rompre la monotonie du toit pentu, le plus souvent en bâtière, en ornant certaines parties de superstructures turriformes qui les rendent ainsi beaucoup plus agréables à l’œil et plus imposantes. L’intersection des toits de la nef et du transept au-dessus de la croisée apparaît comme un emplacement particulièrement approprié. Au début, une petite tour lanterne surmontant le faîte des toits suffit. On recourra à celle-ci plus tard également quand, par manque d’argent, on ne pourra pas construire de grosse tour massive.

Puis, le style roman poursuit son évolution et les fines et délicates tours lanternes se transforment en tours basses à quatre ou huit faces que l’on coiffe généralement d’une pointe pyramidale, mais souvent aussi d’un simple toit en bâtière, plus rarement d’une coupole. Plus les architectes perçoivent combien l’aspect des tours accroît l’effet artistique des églises, plus ils s’enhardissent à chaque fois que les moyens le permettent. Leur rôle initialement pratique s’efface peu à peu au profit de leur fonction esthétique, au renforcement de l’impression pittoresque générale et au plaisir qu’une vaste perspective sur la campagne peut offrir, aux habitants de la ville surtout. En même temps, une tour élevée donne au guetteur, ou au gardien de la tour, la possibilité de sonner à temps l’alarme à l’approche d’ennemis ou de hordes de brigands. Aux deux tours de la façade ouest et à la tour de la croisée viennent s’en ajouter d’autres de part et d’autre du transept ou du chœur. À l’apogée du style roman allemand, dont la cathédrale de Limbourg-sur-la-Lahn est un exemple, on ne s’en contente plus non plus. On encadre chacun des pignons du transept de deux tours, ce qui les porte au nombre de sept.

Le décor des murs n’est pas en reste face à ce déploiement d’ornements extérieurs. Aux saillies et pilastres qui rythment les murs vient s’ajouter la frise du plein cintre, une rangée de petits arcs semi-circulaires qui, au début, court seulement sous la corniche du toit, mais s’étendra par la suite sous toutes les corniches, en particulier celles qui délimitent les différents étages de la tour. À ces éléments se joignent des sculptures au roman tardif. Toutefois, elles se limitent aux seuls portails qui, d’abord dépouillés, se transforment petit à petit en chefs-d’œuvre de sculpture. Par la portée du sujet, les reliefs et les personnages doivent conditionner les fidèles à la méditation avant de pénétrer dans la maison de Dieu. De part et d’autre des portails à voussures en plein cintre, les murs sont rétrécis ou dégradés concentriquement et ornés de colonnettes et de statues se rapportant au contenu du relief qui orne généralement le tympan au-dessus du linteau. Peu à peu, le décor narre des anecdotes complètes tirées de l’Ancien ou du Nouveau Testament. Certains articles de foi ou principes moraux, que le prédicateur peine à faire comprendre en paroles à une population encore largement analphabète, sont ainsi rendus accessibles à celle-ci sous forme de cycles illustrés. Ce langage imagé devient rapidement populaire et joue un très grand rôle dans la diffusion et l’approfondissement des idées religieuses avant l’invention de l’imprimerie. L’art gothique s’en servira aussi, mais dans des formes d’expression encore bien plus riches. L’art roman a donc eu une fonction indiscutablement didactique.

Portail occidental avec narthex, église abbatiale de Paulinzella, Rottenbach, 1105-1115.

Vue du sud-est, église abbatiale de Paulinzella, Rottenbach, 1105-1115.

Transept et abside, ruines de l’abbaye de Hersfeld,
Bad Hersfeld, 1038-fin du xiie siècle (brûlée en 1761).

 

 

Les églises à double chœur, qui ont servi à définir les principaux critères du premier âge roman, ne sont, en fait, qu’une caractéristique saxonne. Dans les autres régions d’Allemagne, les églises sont élevées sur un plan plus simple et ne possèdent généralement qu’un seul chœur. Également fréquentes en Saxe, mais différentes entre elles dans bien des détails, on ne peut pas dire qu’elles appartiennent à un type unique aux caractéristiques communes. En effet, il n’existe pas d’église standard réunissant toutes les traits typiques du style roman. Toutes les églises du roman tardif ont pour seul point commun le plafond voûté qui a remplacé le plafond à solives plat en Allemagne à partir du xie siècle et qui s’est érigé en système. Utilisé à l’origine uniquement dans les bas-côtés étroits, ce système s’est étendu à la large nef centrale, dès que les bâtisseurs ont appris à en maîtriser les difficultés techniques. La lourde voûte en pierre a un poids considérable, d’où la nécessité de construire des murs très épais capables de résister à l’énorme pression. C’est pour cette même raison que les constructions romanes présentent peu de fenêtres et de portes. Les fenêtres cintrées répondent au besoin de répartir tout ce poids sur des jambages et piliers afin d’assurer la stabilité de l’édifice.

Partout où est apparu le christianisme, les moines ont été les premiers bâtisseurs. Il leur fallut de longues années d’expériences pour apprendre à maîtriser le matériau local et devenir ensuite les maîtres de frères lais qui constitueront la corporation des bâtisseurs. L’art de la voûte, les moines constructeurs l’ont appris dans les pays de culture romaine d’où ils viennent. Mais ce n’est qu’après une pratique intensive qu’ils réussissent à appliquer ce savoir en matière de construction d’églises. Ils commencent par voûter les étroits bas-côtés, d’abord dans la forme très simple du plein cintre, plus tard seulement en voûtes d’arête. Pendant un certain temps encore, la nef centrale doit se contenter de l’ancien plafond en bois, jusqu’à ce que les architectes parviennent à construire des voûtes plus larges. Quand nous avons évoqué, ci-dessus, les premières formes de voûtes présentes dans les édifices romains, nous avons signalé que la voûte d’arête résultait probablement de l’intersection de deux voûtes en berceau. On obtient ainsi quatre portions de voûte triangulaires dont les lignes de démarcation figurent nettement des « arêtes ». Il n’y a donc plus qu’à soutenir les quatre extrémités de ces segments de voûte qui se portent entre elles.

Il reste que la charge est si lourde qu’il faut, pour la recevoir, remplacer les fines colonnes par de solides piliers. Chaque nef est recouverte de plusieurs de ces travées toujours carrées, séparées entre les piliers par de larges arcs-doubleaux. La nef centrale compte généralement trois à six travées, moitié moins larges qu’elle pour la plupart. Les bas-côtés quant à eux en reçoivent le double, celles-ci ne mesurant que le quart d’une travée de la nef centrale. Ce ne sera que quand les bâtisseurs maîtriseront l’art difficile de construire une voûte d’arête au-dessus d’un rectangle que les travées des bas-côtés pourront être aussi longues que celles de la nef. Alors seulement le plan des églises romanes sera d’une harmonie parfaite. On peut illustrer cette différente répartition des travées de voûte en comparant le plan de la cathédrale de Spire, exemple de « système du carré roman » dans toute sa rigueur, avec l’abbatiale de Maria Laach. Dans la cathédrale de Spire, les travées habituellement carrées de la nef centrale sont ici rectangulaires.

Tour dite « des hiboux », abbaye d’Hirsau, Hirsau, 1080-1087.

Abside orientale avec galerie naine, cathédrale Saint-Martin de Mayence (fin du xe siècle et xviie-xviiie siècles) et église Saint-Étienne de Mayence (après 1011), Mayence.

 

 

Dans ces deux églises, le porche (appelé aussi paradis au Moyen Âge), où se tenaient, paraît-il, les pénitents est une réminiscence de l’atrium de la basilique chrétienne. L’église abbatiale de Maria Laach l’illustre parfaitement : cet édifice à deux chœurs sera complété plus tard, au début du xiiie siècle seulement, par un porche – preuve de la longévité des traditions paléochrétiennes. Si les plans des chœurs de ces églises, toutes achevées vers la fin du xiie siècle, sont encore relativement sobres, il ne manque pas d’autres chœurs de la même époque richement décorés. En faisant pour ainsi dire courir les bas-côtés autour du chœur, on obtient un déambulatoire, qui est généralement moitié moins haut que le chœur lui-même et n’a, à l’origine, pour autre fonction pratique que de faciliter la circulation. Plus tard, il s’agrandira d’absidioles destinées à recevoir des autels secondaires. Le gothique seulement saura tirer pleinement parti de cet agrandissement du chœur en transformant les absides en petites chapelles et allant même jusqu’à entourer le chœur d’absidioles. C’est aussi au gothique que le jubé, tribune en bois ou en pierre apparue au roman tardif, deviendra une œuvre d’art. Cette pièce d’architecture renoue avec les barrières (cancelli) qui séparaient déjà le chœur de la nef centrale dans les basiliques paléochrétiennes et qui présentaient deux ou plusieurs passages. Au milieu se dresse l’ambon, une chaire accessible par un escalier, où se trouve un pupitre sur lequel le prêtre pose les textes des évangiles qu’il s’apprête à lire.

La forme des différents éléments et l’ornementation présentent la même diversité que les plans des édifices ; les arcs, piliers et colonnes prennent là une place prépondérante. Nous avons déjà observé qu’à côté des chapiteaux, dont la décoration imite plus ou moins bien l’Antiquité, le chapiteau cubique développe une forme proprement romane. Ses faces semi-circulaires et lisses, probablement peintes à l’origine, sont sculptées par la suite de feuillages et de bandes entrelacées qui finissent par tellement envahir les chapiteaux quadrangulaires des colonnes qu’il est devenu impossible d’en reconnaître la forme première. À ses motifs ornementaux sont mêlés des êtres fabuleux, des figures humaines et animales, des démons et des saints aux formes réalistes et souvent fantastiques.

Au dernier âge roman surtout, les tailleurs de pierre cherchent à se surpasser entre eux en inventions de figures imaginaires dans lesquelles le comique et l’effrayant engendrent un effet grotesque, surtout à l’époque où se font ressentir les influences rapportées des croisades. Des chapiteaux historiés on ne voit presque plus la simple forme cubique cachée dessous. Les chapiteaux en calice, ou bourgeonnant, sont certainement des réminiscences de formes antiques. Mais la décoration est déjà nouvelle et, là encore, c’est dans les monuments allemands que l’on constate le mieux son autonomie.

Le pied des colonnes imite le plus souvent celui de la colonne grecque : une base carrée surmontée d’une scotie entre deux tores. Mais le tore inférieur reposant directement sur la base ne fut pas longtemps pour plaire aux architectes. Si au début ces derniers pourvoient les quatre coins de petites boules, ils utilisent ensuite des feuilles en forme de tubercule qui introduisent, pour la première fois, une vraie transition entre le rond et l’anguleux. Les fûts des colonnes, d’abord lisses, se voient aussi orner de décors sculptés, d’entrelacs, de chevrons et autres motifs de ce genre.

Les piliers initialement carrés et simplement terminés en haut par une dalle sur une scotie s’enrichissent peu à peu. Les angles sont biseautés ou échancrés et sertis de fines colonnettes ; forme de décor de pilier qui existe déjà sur les édifices musulmans, au Caire par exemple. Plus tard, des demi-colonnes, généralement avec leur propre chapiteau, sont apposées aux quatre faces des piliers, ou seulement à deux d’entre elles. Elles ont pour fonction particulière de soutenir les arcs-doubleaux de la voûte. Pour finir, les chapiteaux des piliers sont autant richement décorés de sculptures que le reste. Ainsi, le style roman est-il encore en pleine évolution, sur le plan architectural comme sur le plan ornemental, quand il est interrompu, et finalement étouffé, par l’arrivée du gothique en dépit de sa longue résistance.

Nef vue vers l’est, cathédrale Saint-Martin de Mayence (fin du xe siècle et xviie-xviiie siècles) et église Saint-Étienne de Mayence (après 1011), Mayence.

Nef vue vers l’est, cathédrale Notre-Dame-de l’
Assomption-et-Saint-Étienne de Spire
(« cathédrale impériale de Spire »), Spire, 1030-1061.

Plan horizontal, cathédrale Notre-Dame-de-l’Assomption-et-Saint-Étienne de Spire (« cathédrale impériale de Spire »), Spire, 1030-1061.

Plan horizontal, cathédrale Saint-Martin de Mayence
(fin du xe siècle et xviie-xviiie siècles) et église
Saint-Étienne de Mayence (après 1011), Mayence.

Crypte-Halle, cathédrale Notre-Dame-de l’Assomption-et-Saint-Étienne de Spire (« cathédrale impériale de Spire »), Spire, 1030-1061.

Abbaye de Maria Laach, Maria Laach, 1093-xiie siècle.

Vue du chevet occidental, cathédrale Saint-Pierre de Worms, Worms, 1110-xiiie siècle.