Amedeo Modigliani, Chaïm Soutine, 1917.
Huile sur toile, 91,7 x 59,7 cm. Chester Dale Collection,
National Gallery of Art, Washington, D.C.
En 1913, Soutine et Kikoïne s’inscrivent à l’École des Beaux-Arts. Soutine commence ses études avec le peintre d’histoire Fernand Cormon (1845-1924), bien connu en son temps, qui a ouvert quelques années plus tôt sa propre école d’art, l’atelier Cormon. Parmi nombre de ses élèves, il a compté Vincent van Gogh (1853-1890) et Henri de Toulouse-Lautrec (1864-1901). Avec ce professeur, Soutine a le sentiment de ne pas apprendre suffisamment, il a la désagréable impression de perdre son temps. Il préfère donc se lancer de manière indépendante.
En 1914, il trouve un petit atelier très simple, dans le 15e arrondissement de Paris, au numéro 11 de l’impasse de la Cité Falguière. Il s’installe avec le sculpteur Oscar Miestchaninoff (1886-1956), où il vit pendant près de trois ans. Il a représenté cet endroit dans plusieurs peinturescomme L’Atelier de l’artiste, Cité Falguière. Il connaît déjà l’endroit comme le prouve son tableau La Cité Falguière daté de 1914. Il peint également le portrait de Miestchaninoff : Portrait du sculpteur Oscar Miestchaninoff.
De cet atelier, il erre dans les rues de la ville, s’arrêtant partout où il trouve un motif, y installe son chevalet rachitique et peint, peint, peint. Il cherche sa propre voie et commence à cette époque à développer progressivement son style, loin de la manière de salon néoclassique en vogue jusqu’ici. Il n’est pas le seul. Les artistes de La Ruche expérimentent eux aussi la forme et la texture tous azimuts. À cette époque de l’impressionnisme tardif, de l’Art nouveau et du cubisme, émerge jusqu’au milieu du siècle précédent, l’art moderne classique. Celui-ci doit être appréhendé comme un contre-mouvement non seulement de l’impressionnisme, mais aussi du naturalisme et surtout de l’académisme. Il s’agit d’un expressionnisme émergent.
Les racines les plus profondes de l’expressionnisme remontent loin dans l’histoire et sont géographiquement très variées. Deux des sources les plus importantes ne sont ni modernes ni européennes: l’art médiéval et l’art tribal ou l’art des peuples dits « primitifs ». Une troisième source n’a fondamentalement rien de commun avec l’art visuel: il s’agit de la philosophie de Friedrich Nietzsche (1844-1900).
Pour compliquer le tout, le mot « expressionnisme » a à l’origine un sens complètement différent. Jusqu’en 1912 environ, l’ensemble des mouvements artistiques avant-gardistes, non seulement en France, mais aussi dans toute l’Europe sont généralement affublés de ce terme. Tout ce qui diffère, même sensiblement, de l’impressionnisme ou répond en quelque sorte à quelque chose « d’anti-impressionniste» est classé dans cette catégorie. Le terme est d’abord appliqué à des artistes tels que Paul Gauguin (1848-1903), Paul Cézanne (1839-1906), Henri Matisse et Vincent van Gogh. En réalité, après le déclenchement de la Première Guerre mondiale (1914-1918), l’expressionnisme est le terme générique pour les courants d’art moderne, fauve, cubiste ou futuriste. En Allemagne, l’expressionnisme inclue Die Brücke (Le Pont) et le Blaue Reiter (le Cavalier Bleu).