Winslow Homer, Prisonniers venant du front, 1866.

Huile sur toile, 61 x 96,5 cm.

The Metropolitan Museum of Art, New York,

New York, don de Mrs. Frank B. Porter.

 

 

WINSLOW HOMER
(1836-1910)

 

 

Presque une génération après Eastman Johnson, Winslow Homer, qui était aussi en majeure partie un artiste autodidacte, a perpétué le talent qu’avait Johnson à brosser le portrait de la vie américaine, et il a ajouté son amour de la mer aux images de genre rustique. Fils d’Henrietta Benson et de Charles Savage Homer, il est né le 24 février 1836 à Boston, dans le Massachusetts. Henrietta a grandi à Cambridge (Massachusetts), où elle a appris l’art de l’aquarelle. Peintre amateur actif, elle a exposé avec son fils à la Boston Art Association dans les années 1870[3]. La mère de Winslow est devenue son premier professeur.

 

Le légendaire peintre romantique de Boston, Washington Allston (1779-1843), a exercé une influence encore plus grande sur ses premiers apprentissages artistiques. Bien qu’ayant fait deux voyages en Europe, et étudié plusieurs peintres des salons parmi lesquels l’artiste britannique Benjamin West, Allston est devenu une figure majeure du mouvement romantique américain au début du XIXe siècle. Il mettait l’accent sur le paysage, néanmoins il se concentrait davantage sur l’atmosphère et l’émotion plutôt que sur l’observation d’une scène à proprement parler. Il avait également des talents d’écrivain, et il a écrit des poésies, des romans et des traités sur l’art. Dans ces derniers, sa philosophie préconisait que les « sujets primaires » vus dans un tableau soient mis en valeur par des « sujets secondaires » renforçant l’atmosphère et apportant une connotation religieuse inspirée par les révélations de Dieu.

 

Homer n’avait que sept ans à la mort d’Allston, cependant la figure du grand homme était omniprésente dans la région de Boston et Cambridge où il avait peint et écrit. Les hommages poétiques, les expositions de ses œuvres et des publications de ses conférences, éditées par Richard Henry Dana Jr., l’auteur de Two Years Before the Mast, ont créé un culte virtuel à Allston. Homer était entouré par les acolytes d’Allston et n’aurait en aucun cas pu échapper aux œuvres et à la philosophie de l’artiste. Les contemporains de Homer et ses proches collaborateurs, qui connaissaient l’impact qu’a eu Allston sur lui, ont affirmé reconnaître les sujets « primaires » et « secondaires » dans les tableaux de Homer et comprendre le secret derrière le succès de ses œuvres. Le poème qui suit permet d’apprécier la sensibilité romantique d’Allston :

 

Art

Ô Art, noble don des Cieux ! Si souvent diffamé

Quand il semblait loué ! Pour beaucoup, un artisanat

Qui répond à des dogmes morts, les morceaux épars

D’une somme de connaissances ; à tort appelé ainsi

Par ceux qui voulaient t’invoquer, mais non pas

Par lui, Le Noble Toscan, qui donna naissance

À des formes invisibles à l’homme, inconnues sur Terre,

Qui à présent l’habitent. Il sentit l’éclat

De ton doigt révélateur, qui fit apparaître

L’Idée invisible, et il sut

Au plus profond de ses sens, que sa forme était vraie :

C’était la vie répondant à la vie, vérité suprême !

Ainsi, par la foi d’Élie, le jeune Hébreu

Vit le bleu du ciel se changer en chariots de feu.

Washington Allston, Lectures & Poems, 1850.

 

En 1855, alors âgé de 19 ans, Homer partit en apprentissage à Boston dans l’atelier de lithographie de John Henry Bufford, qui avait suivi à New York les cours de George Endicott et Nathaniel Currier (qui devint vite le partenaire de James Merritt Ives), afin de trouver des applications concrètes à son art.

 

Il resta deux ans chez Bufford et se lança ensuite en tant qu’illustrateur indépendant pour Ballou’s Pictorial et Harpers Weekly. Il ouvrit un atelier dans le Tenth Street Studio Building à New York. Situé au n°51 de la 10e rue Ouest entre la 5e et la 6e Avenue, le Studio Building était un dédale d’ateliers d’artistes gravitant autour du dôme d’une galerie centrale. Des artistes de tout le pays venaient sur place et louaient des chambres dans le quartier, donnant à Greenwich Village sa nouvelle et future réputation de quartier bohème.

 

Chez Harpers, auquel il contribua régulièrement pendant plusieurs années, ses dessins réalisés sur le terrain étaient ensuite gravés dans une pièce de bois afin de réaliser plusieurs copies. Il copia également des images importées d’Angleterre afin qu’elles puissent être utilisées pour illustrer des histoires. La plus grande histoire sur laquelle il serait amené à travailler éclata ensuite, lorsque des tirs d’artillerie tombèrent sur Fort Sumter et que la guerre civile s’embrasa.