William Metcalf, Port de Gloucester, 1895.
Huile sur toile, 66,4 x 74,3 cm.
Mead Art Museum, Amherst College, Amherst,
Massachusetts, don de George D. Pratt.
Et qu’ont tenté de faire les « vrais artistes » avec ce beau médium flambant neuf ? Et bien, ils se sont efforcés de le faire ressembler à la peinture, bien sûr, puis se sont empressés de fonder des ordres, des académies, des sociétés et de créer les règles de reconnaissance d’une photographie « réellement artistique ». La science et la mécanique de la photographie sont nées en Europe, mais sa commercialisation, ses prétentions artistiques et son potentiel créatif unique ont pris essor aux États-Unis, dans une nation d’immigrants qui ont hérité du besoin de défier le statu quo. Ce besoin a été transmis dans leurs gènes. En Europe, la vague de réalisme académique a cédé la place aux impressionnistes français du XIXe siècle, avant de tomber dans une théâtralité plus grande que nature, assortie de toute une variété de paysages et de modes de vie américains. La fidélité avec laquelle la photographie transmet la lumière et l’ombre en une image reproductible a libéré les peintres de la poursuite de leur imaginaire. Ils pouvaient manipuler n’importe lequel de ces éléments : couleur, ligne, perspective, emplacement, addition et soustraction, faisant de la scène leur réalité. Le réalisme, méthode de visualisation picturale monolithique, rigide, strictement gouvernée, a éclaté en nuances d’interprétation.
L’endroit d’où vous peigniez pouvait faire de vous un réaliste régionaliste. Ce que vous peigniez pouvait vous cataloguer en tant que réaliste de genre, et qui vous peigniez classait votre œuvre dans la catégorie réaliste portraitiste – ou peut-être réaliste régionaliste portraitiste si vous peigniez des Amérindiens de l’Ouest, ou des capitaines sur la côte Est. Il y avait les réalistes qui peignaient chacune de leurs toiles selon le style impressionniste français, et les réalistes académiques qui dans leurs scènes de vie américaine rapportaient les mécanismes éculés en usage dans les salons européens du Vieux Continent. Certains réalistes ont effectué de fructueux allers-retours entre l’illustration commerciale et les beaux-arts. D’autres ont placé des sujets réalistes dans un monde surréaliste, ou ont à ce point dépouillé le médium que le résultat a mis au défi les arts photographiques.