Du premier tiers du XIVe siècle jusqu’au milieu du XVe siècle, la guerre de Cent ans (1337-1453) provoqua tension et instabilité dans toute l’Europe, marquant profondément cette période. Malgré les conflits, de puissantes familles participèrent au développement du commerce « international ». Ces échanges entre les différentes cours donnèrent naissance au courant artistique nommé le Gothique International. Les artistes, qui voyageaient de cour en cour, y laissaient également leurs manières, leurs styles et leurs techniques ; tous étaient caractérisés par la recherche du raffinement et la préciosité.
L’enluminure des manuscrits est l’une des pratiques qui connut son plein essor à cette époque. Symbole de cette finesse alors recherchée, elle constitue un pan essentiel de l’histoire de l’aquarelle. Les artistes diluaient de l’encre de couleurs dans de l’eau qu’ils déposaient par touches délicates sur du vélin. Si dans le Psautier de la reine Mary, exécuté vers 1320, les dessins enluminés (ill. 1 et ill. 6) sont peu réalistes, les miniatures des Très Riches Heures du duc de Berry des frères de Limbourg (vers 1385-1416) regorgent de détails, qui sont certes schématiques mais qui témoignent du désir des artistes de représenter la vie quotidienne. Le Mois de mai (ill. 7), par exemple, représente la cavalcade traditionnelle du 1er mai, les nombreuses figures, les bâtiments de l’arrière plan et les données astrologiques qui surmontent le dessin sont exécutés avec minutie. C’est aussi la première fois qu’apparaissent des miniatures en pleine page annonçant la genèse des œuvres aquarellées autonomes. Plus tard, Barthélemy d’Eyck (actif de 1440-1470) aurait terminé le travail des Limbourg sur les Très Riches Heures du duc de Berry avant de se mettre au service de René d’Anjou (1409-1480) pour qui il enlumina le Livre des tournois (ill. 29). Les miniatures de ce dernier sont des dessins à l’encre rehaussés de lavis permettant à l’artiste de jouer avec les effets du clair-obscur : dans la technique employée, ces dernières sont à rapprocher des aquarelles modernes.
Au cours du XVe siècle, l’art septentrional conserva l’empreinte du style gothique international tout en se perfectionnant dans le rendu des effets de la matière, de la nature et des fleurs en particulier. Martin Schongauer (1450/1453-1491) avec son dessin Études de pivoines (ill. 32) offrit une des premières études botaniques. La plante était alors dessinée sous différents angles, en fleurs ou en bouton. Il obtint une coloration subtile en se servant de la technique du lavis et en utilisant la gouache pour mettre en valeur les détails. Schongauer devint ainsi l’un des pionniers de l’étude botanique à l’aquarelle qui se développa au siècle suivant.
En Italie, de nouvelles interrogations virent le jour. La famille des Médicis joua un rôle considérable dans le développement des arts, Cosme l’Ancien (1389-1464) puis Laurent le Magnifique (1469-1492) furent d’importants mécènes qui soutinrent des artistes tels que Sandro Botticelli (1445-1510), Filippino Lippi (1457-1504) et Léonard de Vinci (1452-1519). C’est ainsi que Florence devint la capitale de la Première Renaissance. Cette période se caractérise par de nombreuses innovations, et notamment dans le domaine artistique, avec la découverte des principes de la perspective par Filippo Brunelleschi (1377-1446). Cette méthode permit de créer une illusion plus grande dans la peinture en deux dimensions, en suscitant l’impression d’un espace tridimensionnel. Il s’agissait d’une véritable révolution.
De nouvelles aspirations apparurent également sur le plan intellectuel avec la naissance du mouvement humaniste. Les artistes italiens, s’intéressant autant à la nature qu’à l’homme, célèbrent la beauté des corps, la grâce des traits et l’harmonie des formes. L’art s’émancipe : il n’est plus seulement apprécié à travers le prisme de la religion, mais cherche à se faire le miroir du réel. Pour mieux comprendre la nature qui les entoure, les artistes développent l’art de l’esquisse. Cette phase préparatoire de l’œuvre permettait aux peintres de travailler les différentes vues d’un même objet, et c’est lors de cette étape que certains utilisèrent des pigments colorés délayés à l’eau pour rehausser leurs travaux et leur donner un caractère plus proche de la réalité. Le dessin de Botticelli représentant Pallas (ill. 27) illustre la volonté humaniste de l’artiste qui tente de comprendre les mouvements réels du corps par le dédoublement de la tête de la jeune fille.
Face à l’accroissement des richesses provenant du commerce et parallèlement aux nouvelles problématiques intellectuelles, l’art connaît un renouveau dans les matériaux dont il dispose. C’est à cette époque que les peintres se détournent de la peinture faite à base d’œuf, ou tempera, au profit de la peinture à l’huile. Cette technique était utilisée depuis plusieurs siècles, mais ce n’est qu’au XVe siècle qu’elle se répandit plus largement, d’abord dans le Nord, puis dans le Sud. La peinture à l’huile connut un fort succès et domine encore aujourd’hui les autres procédés picturaux. La technique de l’aquarelle, quant à elle, en est à ses balbutiements ; son histoire débute à peine.
2. Pisanello (Antonio Pisano), vers 1395-1455, Italien. Guêpier d’Europe, perché sur une tige fleurie ; esquisse de pattes d’oiseau, date inconnue. Aquarelle, plume et encre brune, rehauts de blanc, pointe de métal, stylet (pour la tige fleurie), 11,4 x 17,5 cm. Musée du Louvre, Paris. Première Renaissance.
3. Pisanello (Antonio Pisano), vers 1395-1455, Italien. Deux études d’un daim debout, de profil vers la gauche, date inconnue. Pointe du métal, la tête du daim de gauche achevée à l’aquarelle, 20,3 x 25,5 cm. Musée du Louvre, Paris. Première Renaissance.
4. Giovannino de’Grassi, vers 1350-1398, Italien. Deux Jeunes Femmes jouant de la musique, 1380-1398. Plume, encre et aquarelle sur parchemin, 26 x 19 cm. Civica Biblioteca Angelo Mai, Bergame. Gothique international.
5. Giovannino de’Grassi, vers 1350-1398, Italien. Lion mangeant un cerf, 1380-1398. Encre, ombres argentées, tempera blanche et aquarelle sur parchemin, 26 x 19 cm. Civica Biblioteca Angelo Mai, Bergame. Gothique international.
6. Maître de la reine Mary, Anglais. Scène de chasse, tiré du Psautier de la reine Mary, vers 1310-1320. Encre sur parchemin. The British Library, Londres. Bas Moyen Âge.
7. Paul, Jean et Herman de Limbourg, vers 1385-1416, Néerlandais. Le Mois de mai, tiré des Très Riches Heures du duc de Berry, 1410-1416. Manuscrit enluminé, 22,5 x 13,6 cm. Musée Condé, Chantilly. Gothique International.
8. Paul, Jean et Herman de Limbourg, vers 1385-1416, Néerlandais. Miniature accompagnant la prière avant le départ, tiré des Très Riches Heures du duc de Berry, 1410-1416. Manuscrit enluminé, 21,5 x 14,5 cm. Musée Condé, Chantilly. Gothique International.
9. Paul, Jean et Herman de Limbourg, vers 1385-1416, Néerlandais. La Tentation du Christ (montrant Méhun-sur-Yèvre), tiré des Très Riches Heures du duc de Berry, 1410-1416. Manuscrit enluminé, 29 x 21 cm. Musée Condé, Chantilly. Gothique International.
10. Paul, Jean et Herman de Limbourg, vers 1385-1416, Néerlandais. L’Expulsion du Paradis, tiré des Très Riches Heures du duc de Berry, 1410-1416. Manuscrit enluminé, 29 x 21 cm. Musée Condé, Chantilly. Gothique International.
FRÈRES DE LIMBOURG
(NIMEGUE, VERS 1380 - 1416)
Paul, Jean et Herman de Limbourg sont trois frères issus d’une famille de blasonneurs. À la mort de leur père, ils sont envoyés chez leur oncle à Paris, le célèbre Jean Malouel alors peintre des cours de France et Bourgogne. Après un apprentissage chez un orfèvre, ils sont employés en tant qu’enlumineurs par Philippe II. En 1404, ils sont embauchés par Jean Ier duc de Berry. Ce dernier leur commande les enluminures du livre d’heures Les Très Riches Heures du duc de Berry. Les frères de Limbourg se sont rendus célèbres par ce travail qui comprend 158 miniatures qui auraient été réalisées en 4 ou 5 ans. Le livre contient 206 feuillets de papier vélin. L’emploi des couleurs y est exceptionnel, les frères de Limbourg privilégient les pigments précieux tels que le lapis-lazuli et le vermillon. Le livre est surtout connu pour les miniatures du calendrier qui représentent des scènes de vie à la cour du duc de Berry. Il est difficile de savoir comment les trois frères se partageaient le travail, travaillaient-ils sur la même miniature ou avaient-ils chacun les leurs ? Le duc de Berry et les trois frères seraient morts la même année, en 1416, probablement de la peste. Les Très Riches Heures du duc de Berry restent inachevées ; Barthélemy d’Eyck aurait probablement terminé les enluminures.
11. Anonyme, Italien. Le Naufrage des frères Pétrus, sa capture et son procès devant le souverain musulman, 1417. Plume et lavis sur parchemin, 30,2 x 13,8 cm. Houghton Library, Harvard University, Cambridge (Massachusetts). Gothique tardif.
12. Anonyme, Italien. Le Dominicain Pierre de la Croix, rencontrant le Diable des serpents, 1417. Plume et lavis sur parchemin, 24,1 x 13,4 cm. Albright-Knox Art Gallery, Buffalo, New York. Gothique tardif.
13. Barthélemy d’Eyck, actif de 1440-1470, Flamand. Louis II de Naples, vers 1456-1465. Dessin à la plume et aquarelle, 30,7 x 21,5 cm. Bibliothèque nationale de France, Paris. Renaissance du Nord.
BARTHÉLEMY D’EYCK
(PRINCIPAUTE DE LIEGE, ACTIF DE 1440-1470)
Très peu de sources historiques permettent de retracer la vie de Barthélemy d’Eyck. Il aurait suivi une formation de peintre dans les années 1430, proche du milieu des frères Jan et Hubert Van Eyck. Il aurait même participé à l’enluminure de pages des Très Belles Heures de Notre-Dame de Jan Van Eyck. Suite à une rencontre avec le roi René d’Anjou à Dijon en 1435, il devient le peintre attitré de ce dernier. René d’Anjou lui finance plusieurs ateliers dans ses différentes résidences. Originaire des Pays-Bas, son style est proche de celui des primitifs flamands. Barthélemy d’Eyck est également très influencé par l’art de Robert Campin, précurseur de la Renaissance flamande par son style réaliste. Les œuvres de Barthélemy d’Eyck montrent une grande maîtrise de l’organisation spatiale, le peintre arrive à rendre les effets de mouvements de façon très réussie dans ses enluminures. Les dessins à l’encre rehaussés au lavis du Livre des Tournois écrit par René d’Anjou en sont la preuve.
14. Anonyme, Autrichien. Manger l’agneau sacrifié, vers 1420-1430. Crayon et encre avec aquarelle, 10,5 x 8,5 cm. National Gallery of Art, Washington, D.C. Gothique tardif.
15. Anonyme, Autrichien. Une femme suspend un homme de la tour, vers 1420-1430. Crayon et encre avec aquarelle, 10,8 x 8,4 cm. National Gallery of Art, Washington, D.C. Gothique tardif.
16. Anonyme, Autrichien. Dieu le Père, trois figures et l’agneau sacrifié, vers 1420-1430. Crayon et encre avec aquarelle, 12,7 x 8,4 cm. National Gallery of Art, Washington, D.C. Gothique tardif.
17. Anonyme, Autrichien. Une Lapidation, vers 1420-1430. Crayon et encre avec aquarelle, 7,5 x 9,2 cm. National Gallery of Art, Washington, D.C. Gothique tardif.
18. Anonyme, Autrichien. Un Vieil Homme assis et un soldat debout, vers 1420-1430. Crayon et encre avec aquarelle, 6,8 x 8,5 cm. National Gallery of Art, Washington, D.C. Gothique tardif.
19. Anonyme, Allemand. La Planète Jupiter représentée par un évêque à cheval, après 1464. Aquarelle et encre sur papier, 30,6 x 22,1 cm. J. Paul Getty Museum, Los Angeles.
20. Anonyme, Allemand. Vénus montant un cerf, après 1464. Aquarelle et encre sur papier, 30,6 x 22,1 cm. J. Paul Getty Museum, Los Angeles.
21. Barthélemy d’Eyck, actif de 1440-1470, Flamand. Sept personnages célèbres de l’histoire ancienne, vers 1442. Plume et encre brune avec aquarelle et rehauts de blanc sur papier vélin, 31,4 x 20,1 cm. National Gallery of Art, Washington, D.C. Renaissance du Nord.
22. Barthélemy d’Eyck, actif de 1440-1470, Flamand. Hommes et femmes célèbres de l’Antiquité classique et biblique, années 1450. Plume et encre brune, brosse et différentes teintes d’aquarelle, traces de peinture dorée, 31 x 20 cm. The Metropolitan Museum of Art, New York. Renaissance du Nord.
23. Pisanello (Antonio Pisano), vers 1395-1455, Italien. Un Monsieur et une dame habillés de vêtements de la cour, vers 1433-1438. Pointe d’argent et aquarelle, 27,2 x 19,3 cm. Musée Condé, Chantilly. Première Renaissance.
PISANELLO
(ANTONIO DI PUCCIO PISANO)
(PISE, VERS 1395 - ROME, VERS 1455)
Originaire de Pise d’où son surnom Pisanello, « le petit Pisan », c’est à Vérone que ce peintre débute sa carrière artistique. Il voyage beaucoup en Italie – Venise, Mantoue, Rome, Milan et Naples – où il travaille à plusieurs fresques dont celles du Palais des Doges et de la basilique Saint-Jean de Latran. Le Portrait d’une princesse d’Este, exposé au Musée du Louvre, est sans doute l’œuvre la plus célèbre de Pisanello. Il montre la princesse de profil et de trois-quarts sur un fond de fleurs et d’insectes représentés avec la minutie que l’on retrouve dans ses miniatures. Ce tableau montre le désir d’atteindre un art savant. Pisanello effectua aussi beaucoup de dessins sur parchemin à aquarelle. Marcel Proust, dans À l’ombre des jeunes filles en fleurs, rend hommage à l’artiste : « Au fur et à mesure que la saison s’avança changea le tableau que j’y trouvais dans la fenêtre. D’abord il faisait grand jour, et sombre seulement s’il faisait mauvais temps ; alors, dans le verre glauque et qu’elle boursouflait de ses vagues rondes, la mer, sertie entre les montants de fer de ma croisée comme dans les plombs d’un vitrail, effilochait sur toute la profonde bordure rocheuse de la baie des triangles empennés d’une immobile écume linéamentée avec la délicatesse d’une plume ou d’un duvet dessinés par Pisanello ».
24. Filippo Lippi, 1406-1469, Italien. Étude préparatoire pour La Vierge à l’Enfant avec deux anges, vers 1465. Pointe de métal, aquarelle brune et rehauts blancs, 33 x 26 cm. Galleria degli Uffizi, Florence. Première Renaissance.
25. Les Frères Delli, actifs de 1430-1460, Italiens. Le Christ à la Colonne, vers 1440-1470. Crayon avec encre carbonne brune et noire, pinceau avec lavis gris, aquarelle et gouache sur parchemin, 40,3 x 30,4 cm. The Metropolitan Museum of Art, New York. Première Renaissance.
26. Fra Angelico (Guido di Pietro), vers 1395-1455, Italien. Christ sur la croix, vers 1430. Plume et encre brune, avec lavis rouge et jaune sur parchemin, 29,3 x 19 cm. Grafische Sammlung, Albertina, Vienne. Première Renaissance.
27. Sandro Botticelli, 1445-1510, Italien. Pallas, vers 1475. Crayon noir, plume, bistre, céruse, parties aquarellées marron claire, papier blanc partiellement teinté de rose, 22,2 x 13,9 cm. Gabinetto Disegni e Stampe degli Uffizi, Florence. Renaissance.
28. Sandro Botticelli, 1445-1510, Italien. Saint-Baptiste, vers 1485-1490. Plume, parties aquarellées marron clair, céruse, papier blanc jauni et partiellement teinté de rose, collé en plein, 35,9 x 15,6 cm. Gabinetto Disegni e Stampe degli Uffizi, Florence. Renaissance.
29. Barthélemy d’Eyck, actif de 1440-1470, Flamand. Le Livre des tournois de René d’Anjou, vers 1460. Plume et aquarelle, 38,5 x 60 cm. Bibliothèque nationale de France, Paris. Première Renaissance.
30. Attribué à Maître Van Gouda, Néerlandais. Le Christ et ses disciples dans la maison du pharisien refusent le lavage rituel des mains, 1482-1484. Aquarelle sur papier, 9,6 x 13 cm. Rijksmuseum, Amsterdam.
31. Attribué à Maître Van Antwerpen, Néerlandais. Le Christ dans la maison du pharisien, 1485-1491. Aquarelle sur papier, 9,3 x 12,8 cm. Rijksmuseum, Amsterdam.
32. Martin Schongauer, 1450/1453-1491, Allemand. Études de pivoines, vers 1472-1473. Gouache et aquarelle, 25,7 x 33 cm. J. Paul Getty Museum, Los Angeles. Renaissance du Nord.
33. Jean Clouet, vers 1475/1485-1540, Français. Le Dauphin François, date inconnue. Crayon, craie rouge et touches d’aquarelle. Musée du Louvre, Paris. Renaissance.
34. Fra Bartolomeo, 1475-1517, Italien. La Tentation de saint Antoine, vers 1499. Plume et encre avec lavis brun et rehauts de blanc sur papier lavé jaune, 23,3 x 16,6 cm. The Royal Collection, Londres. Maniérisme.
35. Léonard de Vinci, 1452-1519, Italien. Un Lis (Lilium candidum), vers 1475. Plume, encre et lavis ocre avec rehauts de blanc sur pierre noire, 31,4 x 17,7 cm. The Royal Collection, Londres. Haute Renaissance.
36. Albrecht Dürer, 1471-1528, Allemand. Crabe de mer, 1495. Aquarelle et gouache, 26,3 x 35,5 cm. Museum Boijmans Van Beuningen, Rotterdam. Renaissance du Nord.
ALBRECHT DÜRER
(NUREMBERG, 1471-1528)
Dürer est le plus grand artiste allemand et le plus représentatif de l’esprit germanique. Comme Léonard, c’était un homme extrêmement attirant physiquement, doté de manières charmantes, de conversations agréables et de grandes capacités intellectuelles. Il était très versé dans les sciences et les mathématiques, et son don pour le dessin était extraordinaire. Dürer est plus réputé pour ses gravures sur bois et sur cuivre que pour ses peintures. Dans les deux pourtant, l’adresse de la main est au service de l’observation la plus minutieuse et de l’étude analytique du personnage et de la structure de la forme. Dürer ne possédait cependant pas la sensibilité de Léonard pour la beauté abstraite et la grâce idéale ; au lieu de cela, il était habité par une profonde gravité, un intérêt manifeste pour l’humanité et une inventivité plus dramatique. Dürer admirait beaucoup Luther et, dans son œuvre, on retrouve les aspects les plus puissants de la doctrine du réformateur. Celle-ci est très sérieuse et sincère ; très humaine, elle s’adresse aux cœurs et à l’entendement des masses. Nuremberg, sa ville natale, était devenue le point névralgique de l’impression en Europe et le principal distributeur de livres du continent. Par conséquent, l’art de la gravure sur bois et sur cuivre, que l’on peut qualifier de branche picturale de l’impression, était très encouragé. Dürer sut tirer tous les avantages de cette situation. La Renaissance en Allemagne était un mouvement plus moral et intellectuel qu’artistique. En effet, la sensibilité envers la grâce et la beauté idéales se nourrit de l’étude de la forme humaine, et celle-ci s’est bien plus souvent épanouie dans les pays méridionaux. Albrecht Dürer possédait un génie trop puissant pour se laisser conquérir. Il demeura aussi profondément germanique que l’était, avec son sens tumultueux du tragique, son contemporain Mathias Grünewald, un visionnaire fantastique, hostile à toutes les séductions italiennes. Comme Léonard, Dürer se situait aux confins entre deux mondes, celui de l’ère gothique et celui de l’âge moderne, et à la frontière entre deux formes d’art, étant graveur et dessinateur plus que peintre.
37. Francesco di Giorgio Martini, 1439-1501, Italien. Croquis pour un mur de monument, vers 1490. Plume et encre brune, lavis brun, gouache bleu sur papier vélin, 18,4 x 18,4 cm. The Metropolitan Museum of Art, New York. Renaissance.
38. Attribué à l’atelier du Maître LCz, actif de 1480-1505, Allemand. Vue d’une ville fortifiée dans un paysage avec une rivière, vers 1485. Encre brune, lavis colorés, gouache sur pierre noire, 7,3 x 13,5 cm. J. Paul Getty Museum, Los Angeles.
39. Albrecht Dürer, 1471-1528, Allemand. Vue de Trente, vers 1494. Aquarelle et gouache, 23,8 x 35,6 cm. Kunsthalle, Brême. Renaissance du Nord.
40. Albrecht Dürer, 1471-1528, Allemand. Cour du château d’Innsbruck, vers 1496-1497. Aquarelle et gouache, 36,8 x 26,9 cm. Grafische Sammlung, Albertina, Vienne. Renaissance du Nord.
41. Albrecht Dürer, 1471-1528, Allemand. Innsbruck (vue du nord), vers 1496-1497. Aquarelle sur papier, 12,7 x 18,7 cm. Grafische Sammlung, Albertina, Vienne. Renaissance du Nord.